Il est possible (depuis plusieurs années désormais) pour les Universités de rendre sélective l’admission en Master des étudiants, issus de l’Université ou d’une autre université.
Cependant, s’agissant d’actes règlementaires, de telles décisions doivent respecter un certain cheminement procédural.
En effet, l’article L. 612-6 du code de l’Education dispose que :
« Les formations du deuxième cycle sont ouvertes aux titulaires des diplômes sanctionnant les études du premier cycle ainsi qu’à ceux qui peuvent bénéficier du livre IV de la sixième partie du code du travail ou des dérogations prévues par les textes réglementaires.
Les établissements peuvent fixer des capacités d’accueil pour l’accès à la première année du deuxième cycle. L’admission est alors subordonnée au succès à un concours ou à l’examen du dossier du candidat. […]
Lorsque la situation d’un candidat le justifie, eu égard à des circonstances exceptionnelles tenant à son état de santé ou à son handicap, l’autorité académique, saisie par ce candidat, peut procéder au réexamen de sa candidature dans des conditions fixées par décret pris après avis du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche. En tenant compte de la situation particulière que l’intéressé fait valoir, de son projet professionnel, de l’établissement dans lequel il a obtenu son diplôme national de licence ainsi que des caractéristiques des formations, l’autorité académique prononce, avec son accord, son inscription dans une formation du deuxième cycle ».
L’article L. 719-7 dudit code dispose quant à lui que :
« Les décisions des présidents des universités et des présidents ou directeurs des autres établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel ainsi que les délibérations des conseils entrent en vigueur sans approbation préalable […] Toutefois, les décisions et délibérations qui présentent un caractère réglementaire n’entrent en vigueur qu’après leur transmission au recteur de région académique, chancelier des universités ».
Dans une affaire récente, concernant le rejet de la candidature d’un candidat à l’obtention d’un Master 1 sélectif, le tribunal administratif d’Amines a eu l’occasion de rappeler l’importance de ces dispositions et leurs caractères indispensables en jugeant que :
« il ne résulte pas de l’instruction que la délibération du 14 décembre 2022 a fait l’objet d’une transmission au recteur de région académique en application de l’article L. 719-7 du code de l’éducation, l’université se bornant à cet égard à produire un courriel, daté du 22 avril 2022, soit plus de 7 mois avant la délibération, par lequel un agent de l’université de Picardie Jules Verne a adressé aux services de la région académique des Hauts-de-France un lien internet permettant d’accéder aux délibérations du conseil d’administration et de la commission de la formation et de la vie universitaire […]
le moyen tiré de ce que la décision attaquée est entachée d’un défaut de base légale car fondée sur la délibération précitée, à caractère réglementaire, qui n’a pas fait l’objet d’une publication régulière ni d’une transmission au recteur de région académique, est propre à créer un doute sérieux quant à sa légalité » (TA Amiens, Ord., 22 septembre 2023, n° 2302849).
Dès lors, l’Université ne peut limiter l’accès au Master et se voit enjoint de réexaminer la candidature de l’étudiant au regard des attendus de la formation, sans pouvoir lui opposer les capacités d’accueil dudit Master et doit l’accepter dans le Master dès lors que le candidat dispose des attendus (licence correspondante sauf cas très particuliers).
Pour pouvoir opposer de telles capacités d’accueil, et donc l’examen de dossiers en concurrence et non simplement l’examen du respect des attendus de formation, l’Université doit avoir publié la délibération actant de ces modalités et l’avoir transmise au Recteur de région académique, Chancelier des Universités.
En outre, cette décision est très intéressante dans la mesure où elle reconnait l’urgence de la situation alors que l’étudiant avait interrompu son cursus universitaire pendant trois années en se fondant sur sur son droit à poursuivre ses études et les rejets de candidatures qu’il avait essuyé dans d’autres formations.
