Depuis une décennie, la saga des crèches de Noël installées par les différentes collectivités, dans leurs bâtiments, agite la jurisprudence administrative, saisie régulièrement de recours contre l’installation de telles crèches eu égard à leur dimension religieuse.
La Constitution porte en son article 1er que l’Etat est soumis à un principe de laïcité, décliné à ses émanations directes ou indirectes et aux collectivités territoriales par les lois de Rolland bien connues des juristes de droit public et de la loi de 1905 non moins connue.
Rappelons que la laïcité n’a pas pour objet d’interdire la pratique ou la promotion d’un culte en tant que telle aux individus mais d’imposer une action administrative abstraction faite des différentes croyances.
Il est donc acquis, en raison de ce principe de laïcité, que les représentations religieuses ne peuvent être le fait d’une institution publique au sein de leurs établissements, du moins sous cet angle-là. Car si la laïcité impose à la sphère publique de ne pas s’immiscer dans la sphère spirituelle, elle n’interdit pas tout ce qui peut être en lien avec un élément religieux. En effet, en raison de circonstances particulières locales, tenant notamment à des traditions, un élément religieux mis en place par une Mairie peut s’avérer légal sous l’angle culturel, festif ou artistique ; ainsi est-il de la célébration de la fin du Ramadan à la Mairie de Paris ou de certaines crèches de Noël, toujours sous réserves de circonstances locales particulières ou de la dimension culturelle, festive ou artistique.
Une nouvelle illustration de cette position jurisprudentielle vient d’être donnée par le tribunal administratif de Nîmes, saisi en déféré préfectoral (procédure permettant au Préfet de solliciter l’annulation d’une décision d’une commune située dans son département). Le tribunal a jugé l’implantation de la crèche illégale en l’absence de tradition et de circonstances locales particulières la justifiant :
« Le fait que la crèche s’inscrit dans le cadre de la tradition provençale, dont la commune se réclame, ne suffit pas en lui-même pour lui donner un caractère culturel ou artistique. L’adjonction d’une maquette intitulée « Oceans Santons », et de panneaux explicatifs relatant l’histoire des crèches, ne confèrent pas à cet événement le caractère d’une exposition, au sens de l’article 28 de la loi du 29 décembre 1905
Il s’ensuit, alors même que l’installation n’a pas suivi le calendrier liturgique, qu’elle n’a pas été accompagnée d’un événement cultuel, et que la collectivité affirme n’être animée par aucun prosélytisme religieux, que le fait pour le maire d’avoir fait procéder à cette installation dans l’enceinte d’un bâtiment public, siège d’une collectivité publique, en l’absence de circonstances particulières permettant de lui reconnaître un caractère culturel, artistique ou festif, constitue une violation des dispositions précitées de l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 et les exigences attachées au principe de neutralité des personnes publiques » (TA Nîmes, 31 octobre 2023, n° 2204043).
Ainsi, la seule évocation d’une tradition régionale, dont le lien est trop distendu avec une commune, ne permet pas de fonder une tradition au sens des circonstances locales particulières et la seule persistance d’une pratique depuis 10 ans n’établit pas plus une telle tradition, ce qui est une solution juridique logique au regard de la jurisprudence.
En revanche, le tribunal prend le soin de rappeler que la situation est différente, et plus souple, en dehors des établissements publics (et leurs dépendances) :
« A l’inverse, dans les autres emplacements publics, eu égard au caractère festif des installations liées aux fêtes de fin d’année notamment sur la voie publique, l’installation à cette occasion et durant cette période d’une crèche de Noël par une personne publique est possible, dès lors qu’elle ne constitue pas un acte de prosélytisme ou de revendication d’une opinion religieuse » (Ibid.).
