La communication institutionnelle en période de campagne électorale

Il n’est pas rare que les collectivités se voient imposées des décisions par des services déconcentrés ou résultant d’EPCI dont elles ressortent et que ces dernières veuillent informer, de manière politisée, leurs administrés. Dans une telle situation, la période électorale pose quelques sujets puisque la communication des personnes morales ne doit pas venir percuter la sincérité du scrutin et la neutralité imposée du service public.

Dès lors, une Collectivité territoriale peut-elle s’exprimer pendant la période de campagne électorale sur des sujets à dimension politique ?

L’article L. 52-1 du code électoral dispose que :

« Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d’une élection et jusqu’à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, l’utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite.

A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s’applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l’organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu’il détient ou qu’il a détenus. Les dépenses afférentes sont soumises aux dispositions relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales contenues au chapitre V bis du présent titre ».

L’article L. 52-8 du même code dispose quant à lui que :

« Les personnes morales, à l’exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d’un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués. Les personnes morales, à l’exception des partis et groupements politiques ainsi que des établissements de crédit ou sociétés de financement ayant leur siège social dans un Etat membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen, ne peuvent ni consentir des prêts à un candidat, ni lui apporter leur garantie pour l’obtention de prêts ».

La jurisprudence permet de mieux comprendre les restrictions apportées par ces dispositions puisqu’en la matière, tout est question de degré. En effet, il n’est pas interdit à une Collectivité de communiquer au seul motif qu’une campagne électorale est en cours.

Ainsi, lorsqu’une Commune communique, cela ne peut lui être reproché lorsqu’elle communique en tant que Commune et non de manière partisane :

« Considérant que M. Z soutient que l’inauguration des espaces «W AA» et «Gustave F» sont assimilables à des actions de propagande en violation des dispositions de l’article L. 52-1 du code électoral ; qu’il résulte de l’instruction que cet évènement était associé à l’inauguration, le même jour, du nouveau complexe sportif dont les travaux avaient été commencés en juin 2012 ; que ces espaces, aménagés devant la mairie et l’église, ont été réalisés dans le cadre du contrat rural de réaménagement de Compans, le Département et la Région ayant contribué à leur financement; que les panneaux dinformation installés sur ces espaces comportent des informations sur les sites et les équipements de la commune; que les discours prononcés dans le cadre de cette double inauguration avaient principalement pour objet de rendre hommage aux deux anciens maires de la commune dont les noms ont été donnés aux espaces inaugurés; que le bulletin municipal de décembre 2013 ne fait que reprendre des extraits de ces discours, sur une double page, accompagnés de deux photos ; que les circonstances que le maire et deux de ses adjoints, également candidats à leur réélection, figurent sur ces photos et que l’un de ces adjoints soit le fils d’un des anciens maire de Compans auquel il a ainsi été rendu hommage, ne sont pas de nature, à elles seules, à lui conférer le caractère de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion de la collectivité; qu’en tout état de cause, compte-tenu des écarts de voix obtenues entre les deux listes, il n’est pas établi que les faits en cause aient été de nature à altérer la sincérité du scrutin » (TA Melun, M. I.Z, 13 juin 2014, req. n°1402660).

Dans le même sens, il a été jugé que :

« Considérant que M. Y soutient que le magazine communal « Varennes info » et les lettres d’information « Varennes Informations » ont été utilisés par la municipalité sortante à compter du mois de septembre 2013, à des fins de campagne de promotion publicitaire ; qu’il résulte de l’instruction que les numéros dudit magazine produits par le protestataire, qui contiennent une multitude d’informations sur la commune de Varennes-sur-Seine, se bornent à donner aux administrés des informations sur la vie communale, sur l’état d’avancement d’équipements publics, sur des manifestations locales à venir, à dresser le bilan des réalisations et à exposer les perspectives à venir ; que si certaines des réalisations sont présentées en des termes élogieux, ces informations ne présentent, contrairement à ce que soutient M. Y qui n’établit pas que le magazine a été utilisé pour répondre aux critiques qu’il a pu formuler, aucun élément de polémique électorale ; que s’il y est fait référence aux élections municipales, les informations délivrées sont liées aux modalités du scrutin et ne présentent par le caractère de polémique électorale ; que par suite, elles ne constituent pas une publicité commerciale au sens des dispositions précitées [de l’article L. 52-1 du code électoral]» (TA Melun, 13 juin 2014, Elections municipales de Varennes-sur-Seine, req. n° 1402835).

En outre, le Conseil d’Etat a retenu, sur le fondement de l’article L. 52-1 du code électoral que :

« Considérant qu’il résulte de l’instruction que le document intitulé « Un bilan » a été diffusé dans la commune de Montségur près d’un mois avant les opérations électorales du 11 mars 2001 ; que, eu égard à sa présentation, à son contenu, qui se limite à une énumération, en termes mesurés, des principales actions entreprises par la municipalité entre 1995 et 2001 et qui est dépourvu de toute polémique électorale, et aux conditions de sa diffusion, il ne peut être regardé comme constitutif d’une campagne de promotion publicitaire au sens des dispositions précitées »(Conseil d’Etat, Elections municipales de Montségur, 6 février 2002, req. n°236264).

En d’autres termes, lorsqu’une Collectivité « intervient » dans la campagne électorale pour des raisons extérieures au scrutin, il ne peut être considéré qu’elle est intervenue dans la campagne et donc, qu’elle aurait mis son matériel au service d’un des candidats en présence, ce qui peut mettre en péril l’élection et la régularité du compte de campagne du candidat concerné.

C’est en ces termes que l’exprime le juge administratif :

« Considérant, d’une part, qu’il ressort de l’instruction que les bulletins municipaux des mois d’octobre 2013 et février 2014 ainsi que la « lettre du maire » du mois de décembre 2013 se bornent à faire état de l’actualité municipale ainsi que des projets municipaux achevés ou en cours ; que la présentation des divers articles s’est inscrite dans la continuité des numéros précédents de la publication en cause, dont l’objet est précisément d’informer les habitants de la commune des actions conduites par la municipalité, sans valoriser de manière excessive l’action de cette dernière ni détailler le contenu d’un programme électoral; que les éditoriaux du maire sont rédigés, à l’exception de la formule laudative «la tâche na pas été facile mais au bout du compte le résultat est à la hauteur des espérances annoncées et de lengagement mis pour les atteindre» parue dans le bulletin du mois de février 2014, selon un ton neutre et mesuré; […] qu’en outre, il n’est pas établi ni même allégué que la périodicité de diffusion de ce magazine ait été modifiée pendant la période électorale; que les protestataires n’apportent aucun élément concernant la date, le lieu ou le nombre d’exemplaires diffusés du bilan ou des lettres ciblées qui auraient été envoyés à la population par le maire ; que l’ensemble de ces éléments ne sauraient, dès lors, être regardés comme participant d’une campagne de promotion publicitaire des réalisations et de la gestion de la commune au sens des dispositions précitées de l’article L. 52-1 du code électoral » (TA Marseille, 9 octobre 2014, Elections municipales de Pelissanne, n° 14002335. ; dans le même sens : CE, 6 février 2002, Elections municipales de Montségur, n° 236264).

A l’inverse, si l’information a pour but final de promouvoir l’action du Maire, elle méconnait les dispositions précitées :

« Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que la municipalité de Valence a fait apposer en treize points de la ville, à partir du 28 janvier 2008, des affiches de quatre mètres sur trois faisant état d’une absence d’augmentation des taux communaux d’imposition pour la treizième année consécutive; queu égard à son contenu, repris dans les documents de campagne électorale de M. A, ainsi qu’à sa date de lancement, cette opération daffichage présente le caractère dune campagne de promotion publicitaire de la gestion d’une collectivité, au sens de l’article L. 52-1 du code électoral, dont l’intéressé, qui a exercé le mandat de maire de Valence de 1996 à 2004, a tiré bénéfice pour sa campagne électorale, nonobstant la circonstance que cette opération ait été réalisée tous les ans depuis janvier 1996 ; qu’il constitue un avantage direct ou indirect ayant été consenti à M. A par une personne morale en violation de l’article L. 52-8 du code électoral et dont le coût devait être intégré dans son compte de campagne en application de l’article L. 52-12 du code électoral » (Conseil d’Etat, 13 novembre 2009, n° 325551).

Ainsi, la prise de position, au nom d’une Collectivité, en période électorale, est possible dès lors qu’elle n’apparaît pas comme un procédé de publicité commercial prohibé ou comme un usage des moyens de la Collectivité qui serait un don en nature prohibé.

La communication ne doit pas viser des personnes ; elle ne doit viser que l’Etat ou une collectivité, voire un syndicat ou une communauté de communes, sans laisser apparaître de noms ou de partis politiques. Elle ne doit pas plus faire référence aux élections à venir. A défaut, cela s’apparenterait à des éléments de polémiques électorales et l’information serait alors dans le champ des dispositions précitées.

Le ton doit rester mesuré puisqu’il s’agit de l’avis de la Collectivité et non de ses représentants. Il est tout à fait possible de critiquer l’imposition à une Collectivité de recevoir des gens du voyage par la réquisition opérée par l’Etat mais les termes doivent rester mesurés.

Enfin, l’information doit s’inscrire dans une communication habituelle de la Collectivité. Si, par exemple, les lettres déposées directement dans les boîtes aux lettres ne sont pas un mode de communication habituel pour une Mairie, il convient de s’en détourner et de privilégier les voies d’informations habituelles de la Commune (journal de la Commune, réseaux sociaux etc…).

Sous réserve de ces limites, l’information délivrée ne sera pas assimilable à un usage à des fins de propagande des moyens de la personne morale ou à la promotion publicitaire des actions de la collectivité. Enfin, il reste préférable d’éviter de communiquer, au nom de la Collectivité, sur un élément de polémique électorale au regard de la présomption de prise de position partisane.

Publié par La Norville Avocat

Cabinet d'avocat intervenant particulièrement en droit public (droit de l'éducation, droit administratif, police administrative) et en droit privé pour les problématiques liées au logement (AIRBnB,baux, bruit, voisinage).

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