Bruit et pouvoirs du Maire

La police administrative se décompose en deux catégories : la police générale et la police spéciale.

La police générale municipale est le pouvoir que tient le Maire en vue de préserver l’ordre public (tranquillité publique, salubrité publique, sécurité publique (la moralité publique et la dignité de la personne humaine sont ici écartées)) aux termes de l’article L. 2212-1 du Code Général des Collectivités Territoriales. Dès lors que l’action envisagée répond à ce but, le Maire peut agir sur le fondement de la police administrative générale et prendre toute mesure de nature à prévenir le trouble.

La police spéciale est le pouvoir que tient le Maire en vertu d’un texte et dans un but déterminé par ce même texte; il ne peut user de ce pouvoir pour assurer l’ordre public.

Naturellement, le juge administratif peut apprécier l’intérêt général invoqué et les moyens mis en œuvre pour le satisfaire. A cet égard, le juge administratif exerce de longue date un contrôle de proportionnalité en vérifiant que la mesure est nécessaire, justifiée et limitée dans le temps et dans l’espace (Conseil d’Etat, 19 mai 1933, n° 17413).

En outre, la police administrative ne vise que la prévention de l’atteinte à l’ordre public ; si quelques exceptions existent concernant la police administrative spéciale, le Maire ne peut, sur le fondement de son pouvoir de police administrative générale réprimer une infraction. Il s’agirait alors de police judiciaire qui, en l’espèce, est couverte par la police administrative spéciale par le Maire en la matière.

Enfin, s’agissant d’un pouvoir de police, la liberté individuelle fait obstacle à ce qu’un Maire mette en place un système d’autorisation préalable (Conseil d’Etat, Assemblée, 22 juin 1951, n° 00590).

A- Le pouvoir de police générale du Maire

Afin d’assurer la tranquillité publique, le Maire peut prendre un arrêté tendant à limiter les nuisances sonores. L’arrêté peut même aller jusqu’à interdire une nuisance (par exemple, l’organisation de fêtes privées).

Pour ce faire, il convient d’effectuer un triple test de proportionnalité.

En premier lieu, l’intérêt général invoqué doit être réel, sérieux et d’importance.

En deuxième lieu, les mesures prises doivent présenter un lien direct avec l’intérêt général poursuivi et apparaître comme nécessaires. A cet égard, l’examen se dédouble. D’une part, la mesure, en elle-même, doit être justifiée par ce qu’elle est absolument nécessaire pour atteindre le but poursuivi (et être donc regardée comme proportionnée) et limitée dans le temps et dans l’espace au maximum envisageable sans vider de sa substance l’interdiction ou l’encadrement.

Ainsi, un arrêté fixant une interdiction de stationner dans toute une commune en raison d’un évènement serait probablement jugée illégale en ce qu’elle apparaît disproportionnée dans l’espace ; à l’inverse, un arrêté interdisant l’utilisation de tondeuses à gazon le dimanche avant 12h pourrait être légal sous réserve que les troubles soient avérés.

La mesure doit, en conséquence, être la plus précise possible afin de répondre à l’intérêt général en ne portant qu’une atteinte indispensable à la liberté individuelle.

Enfin, précisons que sauf texte spécial, l’autorité inférieure ne peut alléger les mesures décidées au niveau supérieur. En revanche, l’autorité inférieure peut toujours aggraver les mesures édictées par l’autorité supérieure à condition que les circonstances locales exigent une telle aggravation (CE, 1902, Commune de Néris-Les-Bains). Concrètement, un arrêté municipal ne peut être plus libéral qu’un arrêté préfectoral ou qu’un décret mais peut, sous réserve de circonstances locales, l’alourdir.

Si ces mesures ne s’avéraient pas suffisantes et qu’il apparaissait que cela était le seul moyen, l’interdiction absolue serait possible (Conseil d’Etat, Assemblée, 1995, Cne de Morsang-Sur-Orge).

La prise de mesures adéquates du Maire est une obligation légale, dont l’inobservation entraine la responsabilité de la Commune pour faute lourde (Cour administrative d’appel de Bordeaux, 31 décembre 2020, n° 18BXO3649) et ouvre la possibilité de la mise en oeuvre du pouvoir de substitution du Préfet.

B – Le pouvoir de police administrative spéciale du Maire

La police administrative spéciale n’existe que lorsqu’un texte l’instaure et en donne compétence à l’autorité visée.

En matière de nuisances sonores, le Maire est visé par un pouvoir de police spéciale posé à l’article L. 1311-2 du code de la santé publique qui lui donne compétence pour édicter des arrêtés encadrant les nuisances sonores et dont les infractions font l’objet d’amendes forfaitaires fixées par le code pénal.

Il s’agit du seul pouvoir de police administrative spéciale du Maire en la matière qui, pour être mis en œuvre, doit se justifier non par les gênes sonores mais par la mise en péril de la santé publique en fonction de l’approche effectué par cette législation, notamment lorsque les émergences sont supérieures aux seuils tolérés par la loi.

Pour mémoire, les valeurs limites de l’émergence, fixées par l’article R.1336-7 du Code de la santé publique, sont de 5 décibels pondérés A en période diurne (de 7 heures à 22 heures) et 3 décibels pondérés A en période nocturne (de 22 heures à 7 heures).

Sous cet angle, le Maire ne peut prendre que les sanctions prévues par le texte et ne peut pas prendre, comme en matière de police administrative, toute mesure de nature à préserver l’ordre public. Enfin, il ne peut qu’agir pour préserver la santé.

Publié par La Norville Avocat

Cabinet d'avocat intervenant particulièrement en droit public (droit de l'éducation, droit administratif, police administrative) et en droit privé pour les problématiques liées au logement (AIRBnB,baux, bruit, voisinage).

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