Le cadre légal du harcèlement moral dans la Fonction publique

Le Harcèlement moral nécessite trois éléments pour être retenu juridiquement ; il est nécessaire d’établir des agissements répétés (1) dégradant les conditions de travail (2) et ayant pour effet une altération de la santé physique ou mentale de la victime (3).

1. Les agissement répétés

Les agissements doivent excéder les pouvoirs hiérarchiques normaux et n’être pas la résultante d’une décision prise dans l’intérêt exclusif de l’agent. La jurisprudence analyse très concrètement les agissements dénoncés afin de les apprécier.

La jurisprudence considère que « ne peut s’analyser en agissements répétés constitutifs de harcèlement moral, une décision de l’employeur de rétrograder un salarié, peu important que, répondant aux protestations réitérées de celui-ci, il ait maintenu par divers actes sa décision » (Chambre sociale , 9 décembre 2009, n° 07-45.521).

« Pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l’exercice normal du pouvoir hiérarchique ; que dès lors qu’elle n’excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l’intérêt du service, en raison d’une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n’est pas constitutive de harcèlement moral » (Conseil d’Etat, 18 juin 2014, Chambre des métiers et de l’artisanat de l’Hérault, n°368512).

En revanche, lorsque la décision excède l’exercice normal des pouvoirs de directions, ces faits sont constitutifs de harcèlement moral. Ainsi, un agent muté à un grade inférieur, et dépourvu des moyens matériels de rendre effective sa mission est victime de harcèlement moral (CAA Nancy, 2 août 2007, AJDA 2007. 2101 confirmé par CE, 12 mars 2010, Cne de Hoenheim, n°308974).

Cependant, le comportement de la victime doit lui aussi être pris en compte, sauf à avoir déjà établit le harcèlement : »enfin, que, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu’ils sont constitutifs d’un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l’agent auquel il est reproché d’avoir exercé de tels agissements et de l’agent qui estime avoir été victime d’un harcèlement moral ; qu’en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l’existence d’un harcèlement moral est établie, qu’il puisse être tenu compte du comportement de l’agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui » (CAA Nancy, 14 juin 2012, n°11NC01167).

2. La dégradation des conditions de travail

Lorsque l’employeur met en œuvre ses prérogatives de direction et de contrôle, la salariée ne partageant pas ce point de vue doit s’y soumettre en vertu de sa subordination et ce comportement de l’employeur ne caractérise pas le harcèlement (Chambre sociale, 5 novembre 2004). Si bien, qu’une divergence de vision au sein de l’entreprise n’est pas de nature à caractériser la dégradation de travail. 

Toutefois La dégradation des conditions de travail peut également se matérialiser dans l’altération des relations entre la victime et sa hiérarchie (CAA Marseille 21 juin 2011, n° 09MA00853). Mais cette altération ne peut pas à elle seule caractériser le harcèlement moral.

Dès lors que l’employeur ne fait que mettre en oeuvre ses prérogatives et que celles-ci sont justifiées, ses agissements ne peuvent être constitutifs de harcèlement moral : « si M. B…A…a vu en 2005 et 2006 certains éléments de son évaluation professionnelle se dégrader ou ne pas progresser par rapport aux années précédentes, au titre desquelles au demeurant des efforts supplémentaires lui avaient été demandés sur certains points et ses attributions modifiées du fait de la réorganisation de l’ensemble des services engagée à la suite de l’élection consulaire de 2005, ces faits ne caractérisent pas, dans les circonstances où ils sont intervenus, des mesures excédant le pouvoir hiérarchique et le pouvoir d’organisation du service » (Conseil d’Etat, 18 juin 2014, Chambre des métiers et de l’artisanat de l’Hérault, n°368512).

En revanche, des actes manifestement illégaux, et dirigés sciemment contre un salarié sont constitutifs de harcèlement moral; le fait pour l’employeur d’affecter un salarié dans un local exigu, sans chauffage correct, sans lui remettre d’outils de travail, et en l’isolant des autres salariés de l’entreprise tout en faisant des réflexions de nature à laisser douter de l’équilibre psychologique du salarié constitue du harcèlement moral (Chambre sociale, 29 juin 2005, n°03-44.055).

3. L’altération de la santé physique ou mentale

Les certificats médicaux ne peuvent établir que l’altération de la santé et en aucun cas un harcèlement ou un fait générateur de cette altération. Ils n’ont aucune force pour caractériser un tel comportement puisque la jurisprudence rappelle que seul le juge peut l’établir, le médecin étant soumis aux dires nécessairement subjectifs de sa cliente (Chambre Sociale, 5 novembre 2004, n° 08-44590) ».

L’intention de l’auteur du harcèlement est indifférente (CAA Versailles 18 juin 2009, n° 07VE00787). Le comportement fautif de l’administration dans l’organisation du service ne permet pas de conclure à l’existence d’un harcèlement moral dès lors que l’examen précis de la situation de la requérante ne révèle pas d’atteinte personnelle à ses droits (CAA Bordeaux 23 décembre 2010, n° 09BX02176).

4. La responsabilité de l’Administration

Le Conseil d’État juge de manière constante que les faits de harcèlement entrent dans le champ d’application de la protection que l’administration est tenue d’assurer à ses agents publics « contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions » (article 11 de la loi du 13 juillet 1983) (CE 12 mars 2010, Cne Hoenheim, n° 308974, JCP A 2010, 2154).

Elle doit donc octroyer la protection fonctionnelle à son agent et réparer son préjudice dès lors qu’il résulte directement de la situation.

Publié par La Norville Avocat

Cabinet d'avocat intervenant particulièrement en droit public (droit de l'éducation, droit administratif, police administrative) et en droit privé pour les problématiques liées au logement (AIRBnB,baux, bruit, voisinage).

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