De longue date, il existe une divergence d’appréciation concernant la valeur légale de la Constitution française face aux traités de l’Union Européenne.
Initialement, le Conseil constitutionnel jugeait que la Constitution s’imposait aux normes européennes, qu’elle que soit leur valeur (traités, directives, etc..).
En 2004, une inflexion s’était opérée. A l’occasion du contrôle de la loi de transposition pour la confiance dans l’économie numérique, le Conseil constitutionnel avait recentré son approche en considérant que « la transposition en droit interne d’une directive communautaire résulte d’une exigence constitutionnelle à laquelle il ne pourrait être fait obstacle qu’en raison d’une disposition expresse contraire de la Constitution » (https://urlz.fr/gUw0).
Ainsi, les normes de valeurs constitutionnelles connaissaient un premier recul, du moins pouvait-on le penser. Cependant, il convient de préciser qu’à cette époque, le Conseil constitutionnel refusait de contrôler la conventionalité d’une loi ; dans cette décision, il admettait sa compétence en cas d’atteinte à une disposition expresse de la Constitution, ce qui pouvait être analysé comme un renforcement de la primauté constitutionnelle française.
En 2006, lors du contrôle de la loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, le Conseil constitutionnel consacrait plus avant la primauté du droit communautaire. A cette occasion, il retenait que « la transposition d’une directive ne saurait aller à l’encontre d’une règle ou d’un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France, sauf à ce que le constituant y ait consenti » (https://urlz.fr/gUwc).
Toutefois, il n’était pas défini ce qu’était qu’un principe inhérent à l’identité constitutionnel de la France. Depuis la décision DC n° 2021-940 (QPC), un premier principe relevant de cette catégorie a enfin été relevé.
Dans cette décision, le Conseil a considéré que « selon l’article 12 de la Déclaration de 1789 : « La garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ». Il en résulte l’interdiction de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative générale inhérentes à l’exercice de la « force publique » nécessaire à la garantie des droits. Cette exigence constitue un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France » (https://urlz.fr/gUwm; décision en PDF ci-dessous).
Il est à préciser qu’un tel principe ne peut être consacré qu’à la condition qu’il ne soit pas protégé de manière équivalente par le droit primaire de l’Union Européenne. A défaut, il n’est pas inhérent à l’identité constitutionnelle de la France.
Une nouvelle catégorie de normes constitutionnelles tend donc à s’ériger aux côtés des objectifs à valeur constitutionnel, des principes à valeur constitutionnel, des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et, évidemment, des textes annexés à la Constitution et la Constitution elle-même.
Reste à voir ce quels principes seront consacrés comme tel à l’avenir.
Antoine Fouret
Avocat au Barreau de Paris