Le délai de dépôt des demandes d’autorisation en IEF n’est pas une raison de refus automatique

L’instruction en famille, outre le cas du motif 1 et du harcèlement scolaire (bien que cela reste à nuancer), obéit à un régime d’autorisation dont l’article R. 131-11 du code de l’éducation impose aux familles de formuler leur demande entre le 1er mars et le 31 mai de l’année précédant la rentrée scolaire pour laquelle elles sollicitent l’autorisation.

Les Rectorats ont tendance à appliquer de manière littérale ces dispositions et a refuser toute demande présentée hors délais, notamment lorsqu’elles sont postérieures, sans considération du dossier de demande et des motifs la soutenant (qu’il s’agisse d’une demande formulée sur le 2°, le 3° ou le 4° de l’article L. 131-5 et même sur les pleins droit (bien que ce dernier cas soit terminé)).

Le Conseil d’Etat, saisi par le cabinet et des Associations, avait pourtant retenu que ce calendrier était légal mais ne pouvait justifier, à lui seul, un refus de l’instruction en famille :

« En outre, ce calendrier n’est pas manifestement inapproprié aux cas de demandes présentées pour des motifs liés à la pratique d’activités sportives ou artistiques intensives ou pour une situation propre à l’enfant, dès lors que ces deux motifs de demande correspondent à des situations prévisibles. Au demeurant, il est toujours loisible à l’autorité administrative d’examiner, à titre gracieux, une demande formulée hors délai » (Conseil d’Etat, 13 décembre 2022, n° 462274).

Le tribunal administratif de Caen – le seul à notre connaissance à s’être prononcé au fond sur cette question – a suivi notre argumentation et a permis de préciser cette possibilité en retenant que :

Il ressort des pièces du dossier que L. a été régulièrement instruite dans la famille au cours de l’année scolaire 2021-2022 et que les résultats du contrôle réalisé le 26 janvier 2022 ont été jugés suffisants de sorte sur l’administration disposait des éléments pour s’assurer que les conditions de fond étaient remplies pour que soit délivrée de plein droit une autorisation d’instruction dans la famille de L. au titre de l’année scolaire 2022-2023. La décision du 6 octobre 2022 adressée à Mme S. expose que sa demande d’instruction dans la famille au titre de l’année 2022-2023 pour son enfant est refusée au motif qu’elle n’a pas été déposée dans les délais prescrits. Il est constant que Mme S. a formé un recours administratif préalable contre cette décision. En lui opposant, le 9 décembre 2022, que : « ce recours n’est pas dirigé contre une décision de refus, puisque votre dossier n’a pas été instruit. Par conséquent, votre recours administratif préalable obligatoire est irrecevable », la rectrice manifeste son refus d’instruire le recours administratif préalable et d’examiner si, dans les circonstances de l’espèce, elle était en mesure ou non de faire usage de son pouvoir de régularisation du non-respect de la condition de délai de dépôt de la demande. En refusant d’exercer son pouvoir de régularisation, elle a commis une erreur de droit » (TA Caen, 28 juillet 2023, n° 2300117).

Les conditions de fond étant remplies, la demande devait être acceptée et le tribunal a enjoint à la Rectrice de délivrer l’autorisation de plein droit à la famille. Si l’affaire concernait un cas spécifique – l’autorisation de plein droit – rien n’empêche de transposer la solution aux autres motifs dès lors qu’un motif légitime vient justifier le non-respect du calendrier (une situation propre postérieure au 31 mai, une validation d’une pratique intensive d’une activité sportive ou artistique intervenue après cette date ou encore une itinérance induite par de nouveaux évènements).

Seul l’intérêt supérieur de l’enfant doit guider l’étude du dossier et le non-respect légitime d’un calendrier procédural n’est donc pas de nature à faire obstacle à la délivrance d’une autorisation d’instruction en famille dès lors que le dossier justifie sa délivrance.

Publié par La Norville Avocat

Cabinet d'avocat intervenant particulièrement en droit public (droit de l'éducation, droit administratif, police administrative) et en droit privé pour les problématiques liées au logement (AIRBnB,baux, bruit, voisinage).

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