Une commission nationale (CNCCFP) est instituée pour contrôler la régularité des comptes de campagne des différents candidats, quelle que soit l’élection concernée (locale, cantonale, législative), dont le régime est fixé par le code électoral (L. 52-14 et suivants). L’approbation des comptes par cette autorité est d’autant plus importante qu’elle conditionne le remboursement des dépenses liées à la campagne. En outre, dans plusieurs hypothèses, la Commission saisit d’office le juge de l’élection afin qu’il statue sur les conséquences des irrégularités relevées sur l’éligibilité du candidat. Cette saisine s’opère en l’absence de dépôt des comptes dans le délai légal, en cas de rejet du compte de campagne ou lorsque le montant des dépenses inscrites sur le compte est supérieur au plafond des dépenses électorales.
En sus des conséquences financières pour le candidat, souvent importantes, il y a donc un vrai enjeu quant à la possibilité de se présenter à une nouvelle élection. L’élection du candidat ne fait pas obstacle au rejet de ses comptes et, le cas échéant, au prononcé d’une peine d’inéligibilité. En effet, dans une telle hypothèse, le code électoral prévoit que le juge de l’élection (le tribunal administratif ou le Conseil d’Etat pour les élections législatives) déclare démissionnaire d’office le candidat élu ou le binôme dont l’un des candidats a été élu (L. 118-3 et -4 du code électoral).
Cependant, une telle sanction est subordonnée à la caractérisation d’une volonté de fraude par le juge ou d’un manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des élections. Il convient de relever que cette sanction d’inéligibilité peut aussi bien être prononcée lorsque le juge de l’élection est saisi par la CNCCFP que lorsqu’il est saisi d’une protestation électorale.
Ainsi, la seule bonne foi ne permet pas de s’exonérer de sa responsabilité et, en conséquence, d’échapper à la sanction d’inéligibilité. Lorsque le manquement est grave, le rejet des comptes de campagne s’impose et le risque d’inéligibilité est fort. Toutefois, le juge exerce un contrôle entier sur la décision de la CNCCFP et il peut la réformer. En outre, l’appréciation qu’il fait des faits montre qu’il analyse in concreto les manquements invoqués.
Les dons issus d’une personne morale, autre qu’un parti politique, sont prohibés par l’article L. 52-8 du code électoral et concentrent une bonne partie du contentieux relatif aux comptes de campagne. D’après le Conseil d’Etat, il n’existe aucune automaticité entre la présence d’un tel don et le rejet des comptes de campagne :
« Les dispositions précitées de l’article L. 52-8 du code électoral ont pour effet d’interdire aux personnes morales, qu’il s’agisse de personnes publiques ou de personnes morales de droit privé, à l’exception des partis ou groupements politiques, de consentir à un candidat des dons en nature ou en espèces, sous quelque forme et de quelque montant que ce soit. Toutefois, ni l’article L. 52-15 de ce code ni aucune autre disposition législative n’obligent la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques à rejeter le compte d’un candidat faisant apparaître qu’il a bénéficié de la part de personnes morales d’un avantage prohibé par l’article L. 52-8. Il lui appartient, sous le contrôle du juge de l’élection, d’apprécier si, compte tenu notamment des circonstances dans lesquelles le don a été consenti et de son montant, sa perception doit entraîner le rejet du compte et la saisine du juge de l’élection afin qu’il prononce, le cas échéant, et par application de l’article L. 118-3 du code électoral, l’inéligibilité du candidat concerné » (Conseil d’Etat, 9 juillet 2015, req. n°388466).
En effet, la simple présence d’un don d’une personne morale ne justifie pas, en lui-même, le rejet du compte de campagne dans lequel est inscrit ce don. Ainsi, dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt précité, il a été considéré qu’un don représentant 3, 9 % du montant du plafond de dépenses électorales ne justifiait pas le rejet du compte de campagne et donc, l’absence de remboursement du candidat dans les conditions prévues par l’article L. 52-11-1 du code électoral.
Bien qu’il existe donc une certaine tolérance, les candidats ne doivent pas s’autoriser d’écart sur ce sujet car le juge est libre de décider que, même pour un montant inférieur, un don d’une personne morale justifie le rejet des comptes de campagne. Toutefois, la jurisprudence semble retenir un taux de 4% des dépenses autorisées comme palier de tolérance.
En outre, la sanction d’inéligibilité n’est pas la conséquence automatique de la présence d’un tel don dans les comptes contrôlés, même lorsque le rejet des comptes apparaît fondé en droit. En effet, en l’absence de caractérisation d’une volonté de fraude, le Conseil d’Etat rappelle que tout est affaire d’appréciation in concreto dans un arrêt d’assemblée des plus didactiques :
« Considérant qu’en dehors des cas de fraude, ces dispositions prévoient que le juge de l’élection ne prononce l’inéligibilité d’un candidat que s’il constate un manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales ; que, pour déterminer si un manquement est d’une particulière gravité au sens de ces dispositions, il incombe au juge de l’élection d’apprécier, d’une part, s’il s’agit d’un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales, d’autre part, s’il présente un caractère délibéré » (Conseil d’État, Ass., 4 juillet 2011, n° 338033).
Ainsi, et dans tous les cas, le candidat ne doit pas avoir commis une irrégularité de manière délibéré sur une règle substantielle, comme l’est la règle posée par l’article L. 52-8 du code électoral. Cependant, afin de caractériser, ou non, le manquement d’une particulière gravité au regard de cette disposition, le Conseil d’Etat rappelle :
« qu’en cas de manquement aux dispositions de l’article L. 52-8 du code électoral, il incombe, en outre, au juge de tenir compte de l’importance de l’avantage ou du don irrégulièrement consenti et de rechercher si, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, il a été susceptible de porter atteinte, de manière sensible, à l’égalité entre les candidats » (Ibid.).
Il en résulte donc qu’aucune automaticité n’existe entre l’infraction aux dispositions de l’article L. 52-8 du code électoral ayant justifié le rejet des comptes et le prononcé d’une peine inéligibilité ; les comptes peuvent être rejetés sans qu’une telle peine ne soit fondée en droit.
Antoine Fouret
Avocat au Barreau de Paris