Tout administré à le droit de demander la communication de documents administratifs dès lors qu’ils sont communicables. Ces documents peuvent s’avérer précieux pour la conduite d’un dossier. Pour que la demande aboutisse, il convient de s’assurer du caractère administratif du document, puis de son caractère communicable. En outre, il convient d’être attentif aux particularités procédurales régissant la matière.
La notion de document administratif communicable
Elle a été posée par la loi de 1978 (loi n° 78-753) qui a précisé en son article 2 (aujourd’hui codifié aux articles L. 300-1 et L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration) que :
« les autorités mentionnées à l’article 1er sont tenues de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent titre.
Le droit à communication ne s’applique qu’à des documents achevés. Il ne concerne pas les documents préparatoires à une décision administrative tant qu’elle est en cours d’élaboration. Il ne s’exerce plus lorsque les documents font l’objet d’une diffusion publique. Il ne s’applique pas aux documents réalisés dans le cadre d’un contrat de prestation de service exécuté pour le compte d’une ou de plusieurs personnes déterminées ».
Ainsi, il convient de savoir ce que recouvre la notion de documents administratifs.
Tout d’abord, ces documents ne peuvent être issus que de deux catégories de personnes :
Les personnes publiques (Etat, Collectivités, Etablissement public) et les personnes privées chargées d’une mission de service public (RATP, Caisse de Sécurité Sociale etc).
En revanche, les documents des tribunaux ne sont pas des documents administratifs.
Seuls les documents administratifs finalisés peuvent être transmis. Ainsi, les documents préparatoires (ceux étant pris en vue d’édicter une décision) ne sont pas communicables n’importe quand. En effet, ce n’est qu’une fois la décision publiée que ces documents peuvent être communiqués. Une exception existe à ce mécanisme concernant les documents liés à des questions environnementales (enquête publique, rapport).
Certains documents sont communicables mais seulement pour les intéressés. Une tierce personne peut aussi y avoir accès si les mentions personnelles y sont masquées. Ceci est valable pour :
- un document pouvant porter préjudice à la vie privée ou portant atteinte au secret médical,
- un document portant appréciation sur une personne (ex : PV de délibération du jury d’un autre candidat),
- un document mentionnant un comportement pouvant être préjudiciable à une personne (ex : rapport préalable à une procédure disciplinaire abandonnée pour un agent public).
Enfin, certains documents ne sont pas communicables. Il s’agit des :
- avis du Conseil d’État et des juridictions administratives,
- documents d’une juridiction financière (Cour des comptes, etc.),
- documents d’instruction du Défenseur des droits,
- documents pouvant porter atteinte aux secrets de délibérations du gouvernement, de la défense nationale, de la politique extérieure, de la sûreté de l’État, de la sécurité publique, etc.
Il reste cependant possible d’accéder partiellement à certaines informations si les mentions sensibles peuvent être cachées ou isolées du document. En outre, rien n’empêche la personne concernée de publier elle-même le document (sauf lorsque son contenu heurte un secret protégé par la loi).
Exercer son droit d’accès aux documents administratif
Il convient d’opérer une demande auprès du dépositaire du document. Un envoi en recommandé est conseillé pour conserver une trace et une preuve de la réception, ce qui permettra, en cas de décision implicite, de pouvoir la prouver. En la matière, le silence gardé pendant un mois par l’administration vaut décision de rejet; il faut donc pouvoir prouver la naissance de cette décision implicite.
Lorsque l’administration acquise à la demande, elle peut mettre à la charge du demandeur les frais d’envois s’il s’agit de documents volumineux ou l’inviter à les consulter sur place. En outre, si la demande vise différents documents, l’administration peut étaler les envois ou les consultations. Si, elle n’acquiesce que par une décision implicite, une nouvelle demande sera nécessaire pour qu’elle mette les documents à disposition. Le délai sera alors d’un mois pour l’administration. Si elle ne le fait pas, il est possible de saisir le juge administratif.
Lorsque l’administration rejette la demande, il est possible de déférer sa décision à la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA) dans les deux mois suivants la notification de rejet de la demande ou de la naissance d’une décision implicite de rejet (cette possibilité est une obligation en cas de volonté d’introduire un contentieux). Il faut alors respecter certaines conditions formelles pour saisir valablement la commission. La CADA va alors instruire le dossier et rendre une décision aux termes de laquelle elle décidera ce qui est communicable ou non. Elle dispose d’un mois pour se prononcer, toutefois, en pratique, il arrive souvent que l’avis soit rendu après ce délai.
Si l’avis est positif, bien qu’il ne soit pas juridiquement contraignant, l’administration défèrera bien souvent à la demande quand bien même elle fût initialement réticente à le faire. Si elle persiste à refuser (ici le silence gardé pendant un mois vaut décision de rejet; attention, ce mois court à compter de la date théorique du rendu de l’avis, soit deux mois à compter de la saisine de la CADA), il faut déférer la décision implicite ou explicite au tribunal administratif compétent. Si l’avis est négatif, la procédure à suivre est la même.
Pour résumer, voici les étapes contentieuses :
1° Un refus de communication est opposé au demandeur, de manière explicite ou implicite (1 mois);
2° Celui-ci dispose de deux mois à compter de ce refus pour saisir la CADA pour avis (cette saisine est obligatoire avant d’introduire un contentieux) ;
3° A compter de l’enregistrement de la saisine par la CADA se déclenche un compte à rebours de deux mois1, à l’issue duquel naîtra une confirmation du refus de communication par l’administration, en l’absence de communication de document ou de refus exprès. Peu importe que la CADA rende ou non un avis (ce qu’elle est censée faire dans un délai d’un mois) ;
4° A compter de cette confirmation de refus, l’intéressé dispose de deux mois pour la contester devant le TA.
Le juge, s’il estime le recours en annulation fondé, exige alors la communication des documents et rend une décision sur le caractère communicable des documents ; cette décision est contraignante juridiquement.
Il est donc essentiel de faire attention aux délais prévus en la matière, ceux-ci étant dérogatoire du droit commun du droit administratif (naissance d’une décision de refus sous un mois et délai de recours contentieux courant à compter de l’enregistrement de la saisine de la CADA et non de son avis).
- Cette condition de délais n’est opposable à l’administré qu’à la condition que le rejet de la demande mentionne les voies et délais de recours, mention la plupart du temps absente en présence d’une décision implicite de rejet de l’administration.
Antoine Fouret
Avocat au Barreau de Paris