Ce jour se tenait, devant le tribunal administratif de Rennes, la première audience au fond concernant les refus d’autorisation d’instruction en famille. C’était ainsi la première fois que le juge administratif avait à connaître du fond dans ces litiges.
Le rapporteur public – magistrat ne siégeant pas parmi les juges chargé d’éclairer la juridiction sur les litiges – a prononcé des conclusions extrêmement favorables à une lecture libérale du nouveau régime et n’a pas hésité à brocarder les appréciations faîtes par le Rectorat.
Il a rappelé qu’historiquement, séculairement, seule l’instruction est obligatoire depuis les lois Jules Ferry de la fin du XIXème siècle ; la scolarisation et l’enseignement n’étaient pas, eux, obligatoire avant l’adoption de la loi du 24 août 2021 créant le nouveau régime.
Cette loi est venue briser ce système séculaire pour faire basculer le régime déclaratif en régime d’autorisation ; d’un seul contrôle a posteriori, l’IEF obéit désormais à un double contrôle, a priori et a posterori.
Il a rappelé que l’étude d’impact préalable à l’adoption de la loi a révélé que seule une très faible proportion de familles instruisant un ou des enfants en famille a présenté des carences ou des dérives dans l’instruction prodiguée. De même, il a rappelé que l’instruction en famille avait été bénéfique pour l’Education Nationale qui a pu se délester de deux problèmes majeurs (l’instruction des jeunes femmes au XXème siècle et des enfants présentant de lourds particularismes).
Revenant au régime applicable, il a relevé que la loi ne conditionnait pas la délivrance de l’autorisation à une impossibilité de scolarisation ; cette condition a bien existé mais uniquement dans les intentions du pouvoir exécutif, de telle sorte qu’elle ne peut être regardée comme une norme légale.
D’ailleurs, il souligne que le Conseil d’Etat avait censuré le projet de loi du gouvernement, notamment en ce qu’il tendait, par son ambition, à interdire l’instruction en famille aux motifs, notamment, que les dérives et carences des familles pratiquants l’IEF étaient anecdotique et que les difficultés liées à ce régime ne constituait pas un motif d’interdiction valable. Dès lors, il avait retenu qu’une restriction trop importante du droit des familles à choisir l’instruction en famille serait de nature à créer une irrégularité au regard des exigences conventionnelles et constitutionnelles en la matière.
Le rapporteur public indique ensuite que le Législateur avait poursuivi la mise en garde de la Haute juridiction administrative et que le gouvernement, concernant le motif 4, avait reconnu devant les législateurs que seuls deux critères seraient pertinents : la capacité à instruire et l’existence d’un projet éducatif sérieux.
Enfin, la lecture des considérants 76 à 78 de la décision du Conseil Constitutionnel qui contiennent la réserve d’interprétation ne laisse, à son sens, aucun doute subsister : deux critères sont exigés de manière exclusive par le Conseil constitutionnel. Le Conseil a ainsi fait litière de l’exigence de démonstration d’une situation propre à l’enfant et a acté la transition du régime déclaratif au régime d’autorisation en limitant les pouvoirs de l’administration à une vérification réduite. Il a eu également l’occasion de rappeler que les réserves d’interprétations sont consubstantielles au texte et que l’on ne saurait faire primer la lettre du texte sur celles-ci.
Il a donc naturellement conclu à l’annulation des décisions rectorales retenant soit l’absence d’impossibilité de scolarisation, soit l’absence de démonstration d’une situation propre à l’enfant.
Il a également conclu, conformément aux écritures du cabinet, que dans l’hypothèse où des contrôles négatifs de l’an dernier sont irréguliers ou dans celle où aucun contrôle n’a été effectué, les familles doivent se voir autoriser à instruire leurs enfants en famille sur le fondement de l’autorisation de plein droit.
*Ces propos sont retranscrits d’après une prise de note lors de l’audience et ne sont pas exhaustifs.
Bonjour,
Merci pour ces informations ! Quel soulagement ce doit être pour les familles.
Pourriez vous m’indiquer si cette décision est susceptible de faire jurisprudence ou bien s’agit il d’une décision circonscrite à ces dossiers/ la zone de compétence de ce tribunal ?
Merci
J’aimeJ’aime
Ce n est pas une décision mais des conclusions préalables. Elles avaient bien une portée générale.
J’aimeJ’aime
bonjour, est-il possible d’avoir les ecritures du rapporteur public, son memoire? merci
J’aimeJ’aime