Le harcèlement scolaire est de plus en plus répandu et induit des situations extrêmement difficiles à vivre pour les enfants qui s’en trouvent victime. Cette situation est empirée par la circonstance qu’il n’existe pas de procédures disciplinaires à l’école élémentaire permettant la réunion d’un conseil de discipline. Aucune exclusion ne peut donc être prononcée par l’école primaire, ce qui la prive donc de possibilités d’action dès lors que les autres mesures de sanctions n’ont pas été suffisantes.
Le droit à l’instruction est non seulement une obligation légale des parents résultant de l’article L. 131-1 du code de l’éducation mais également une liberté fondamentale de l’enfant. Il en va évidemment de même quant au droit à l’intégrité physique et psychique, sous l’angle du droit à la santé.
Afin d’assurer ce droit à l’instruction, et de lui permettre sa pleine effectivité, le code de l’éducation prévoit notamment, en son article L. 111-6, que :
« Aucun élève ou étudiant ne doit subir de faits de harcèlement résultant de propos ou comportements, commis au sein de l’établissement d’enseignement ou en marge de la vie scolaire ou universitaire et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de dégrader ses conditions d’apprentissage ».
L’article se poursuit en imposant une obligation de protection des élèves à la charge de l’établissement d’enseignement :
« Les établissements d’enseignement scolaire et supérieur publics et privés ainsi que le réseau des œuvres universitaires prennent les mesures appropriées visant à lutter contre le harcèlement dans le cadre scolaire et universitaire. Ces mesures visent notamment à prévenir l’apparition de situations de harcèlement, à favoriser leur détection par la communauté éducative afin d’y apporter une réponse rapide et coordonnée et à orienter les victimes, les témoins et les auteurs, le cas échéant, vers les services appropriés et les associations susceptibles de leur proposer un accompagnement.
Une information sur les risques liés au harcèlement scolaire, notamment au cyberharcèlement, est délivrée chaque année aux élèves et parents d’élèves ».
L’article D. 321-12 du code de l’éducation précise de manière complémentaire que :
« La surveillance des élèves durant les heures d’activité scolaire doit être continue et leur sécurité doit être constamment assurée en tenant compte de l’état de la distribution des locaux et du matériel scolaires et de la nature des activités proposées ».
Ainsi, l’école, son personnel comme sa direction doit assurer un environnement adéquat et digne de tout milieu éducatif et prévenir comme il se doit toute situation de harcèlement en l’encontre d’un élève. Plus largement, l’école est débitrice d’une obligation de sécurité envers ses élèves.
Cependant, dans le cas spécifique d’une école élémentaire, au regard des prérogatives étendues de la Commune, l’école ne peut pas toujours agir efficacement, faute de pouvoir mettre en œuvre des procédures disciplinaires comme nous l’avons dit.
En effet, la Mairie, aux termes de l’article L. 212-4 du code de l’éducation, est responsable du fonctionnement des écoles élémentaires implantées sur son territoire. C’est elle qui est décisionnaire en matière d’inscription et de radiation des élèves.
La circulaire n° 2014-088 du 9 juillet 2014 relative au Règlement type départemental des écoles maternelles et élémentaires publiques prévoit, en son point 2.5, que :
« Lorsqu’un enfant a un comportement momentanément difficile, des solutions doivent être cherchées en priorité dans la classe, ou exceptionnellement et temporairement dans une ou plusieurs autres classes. En tout état de cause, l’élève ne doit à aucun moment être laissé seul sans surveillance.
[…]
À l’école élémentaire, s’il apparaît que le comportement d’un élève ne s’améliore pas malgré la conciliation et la mise en œuvre des mesures décidées dans le cadre de l’équipe éducative, il peut être envisagé à titre exceptionnel que le directeur académique des services de l’éducation nationale demande au maire de procéder à la radiation de l’élève de l’école et à sa réinscription dans une autre école de la même commune ».
Un tel enfant, ainsi qu’il résulte clairement de la circulaire précitée, en tant qu’il constitue un danger pour les autres, « ne doit à aucun moment être laissé seul sans surveillance ». Cela a pour objet d’éviter que de tels enfants ne puisse attenter à la sécurité et à l’intégrité physique et psychique des autres enfants. Cependant, en pratique, il apparaît très rare qu’une telle surveillance soit mise en œuvre.
Ainsi, bien souvent, la seule solution réside dans la saisine du Maire de la Commune où se situe l’école par le DASEN aux fins de radiation de l’élève dont le comportement est problématique.
Sur ce fondement, la jurisprudence admet la mise en œuvre d’une radiation d’un élève (CAA Nancy, 3e ch., 20 oct. 2020, n° 18NC02118), dès lors que cela apparaît comme la seule solution pour permettre l’exercice normal du droit à l’instruction de l’enfant.
Ces dispositions, longtemps restées très théoriques, sont désormais d’application très concrète et permettent de protéger les enfants victimes. A titre d’illustration, nous avons pu obtenir le changement d’établissement d’un élève harcelant un autre enfant afin que l’enfant victime puisse retrouver une scolarité normale.