Initialement, l’article 4 de la loi du 28 mars 1882 sur l’enseignement primaire instituant l’instruction obligatoire précisait que l’instruction obligatoire pouvait être donnée soit dans les écoles et établissements, publics ou privés- sous contrat ou hors contrat d’association avec l’Etat- soit dans les familles.
L’ordonnance n° 59-45 du 6 janvier 1959 portant prolongation de l’obligation scolaire confirmait, en son article 3, la possibilité de l’instruction en famille, comprise comme l’instruction dispensée par les parents, l’un d’eux, ou toute personne de leur choix.
Dès lors, sous réserve d’une instruction effective, l’instruction en famille était admise sans difficultés.
Toutefois, la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école a opéré une première nuance, sans conséquence, en précisant quant à elle que l’ « instruction obligatoire est assurée prioritairement dans les établissements d’enseignement » (ces dispositions ont été reprises à l’article L. 131-1-1 du code de l’éducation).
Ainsi, il était loisible aux familles de dispenser en famille l’instruction que tout enfant doit recevoir sans avoir à justifier de conditions particulières en dépit de la priorité consacrée aux établissements d’enseignements.
Cependant, l’article 49 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République dite loi « séparatisme » modifie l’article L. 131-2 du Code de l’éducation et bouleverse le principe.
Désormais, l’article L. 131-2 précité précise que :
« L’instruction […peut] par dérogation, être dispensée dans la famille par les parents, par l’un d’entre eux ou par toute personne de leur choix, sur autorisation ».
Dès lors, d’un régime libéral initial quant à la dispense de l’enseignement en famille, le code de l’éducation prévoit désormais un régime d’autorisation.
Cette autorisation sera accordée de manière restrictive et pour des motifs précis ; en outre elle ne portera que sur l’année scolaire concernée par la demande, ce qui est un régime extrêmement restrictif.
Ces conditions sont posées à l’article L. 131-5 du code de l’éducation :
« L’autorisation mentionnée au premier alinéa est accordée pour les motifs suivants, sans que puissent être invoquées d’autres raisons que l’intérêt supérieur de l’enfant :
1° L’état de santé de l’enfant ou son handicap ;
2° La pratique d’activités sportives ou artistiques intensives ;
3° L’itinérance de la famille en France ou l’éloignement géographique de tout établissement scolaire public ;
4° L’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de la capacité de la ou des personnes chargées d’instruire l’enfant à assurer l’instruction en famille dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant. Dans ce cas, la demande d’autorisation comporte une présentation écrite du projet éducatif, l’engagement d’assurer cette instruction majoritairement en langue française ainsi que les pièces justifiant de la capacité à assurer l’instruction en famille ».
Il est à préciser qu’il existe une exception concernant les enfants souffrant d’un handicap ou d’un état de santé justifiant l’enseignement en famille qui, eux, et eux seuls, pourront se voir accorder une autorisation pluriannuelle.
En revanche, l’autorisation peut être acquise de manière implicite ; l’absence de réponse de l’Etat dans le délai de deux mois aura pour effet de faire regarder l’autorisation comme accordée.
L’autorisation d’instruire en famille sera accordée de plein droit pendant deux ans, soit pour les années scolaires 2022-2023 et 2023-2024, aux enfants régulièrement instruits dans la famille au cours de l’année scolaire 2021-2022 et pour lesquels les résultats du contrôle ont été été jugés suffisants.
La demande d’autorisation
La demande d’autorisation devra comporter les pièces suivantes selon le décret d’application, quel que soit le fondement de la demande:
- une description de la démarche et des méthodes pédagogiques mises en œuvre pour permettre à l’enfant d’acquérir les connaissances et les compétences dans chaque domaine de formation du socle commun de connaissances, de compétences et de culture,
- les ressources et supports éducatifs utilisés,
- l’organisation et les modalités d’enseignement choisies (emploi du temps, rythme et durée des activités),
- le cas échéant, l’identité de tout organisme d’enseignement à distance participant aux apprentissages de l’enfant et une description de la teneur de sa contribution.
Lorsque la demande est motivée par l’état de santé, ou le handicap, de l’élève, un certificat médical (sous pli fermé) est exigé et contrôlé par le Rectorat qui rend un avis aux vus de ce certificat médical. Une autorisation accordée sur ce fondement est limitée à une durée de trois années maximum.
Lorsque la demande est motivée par la pratique sportive ou artistique, une attestation d’inscription auprès d’un organisme sportif ou artistique et une présentation de l’organisation du temps de l’enfant, de ses engagements et de ses contraintes établissant qu’il ne peut fréquenter assidûment un établissement d’enseignement public ou privé sont également demandés.
Enfin, lorsque la demande d’autorisation est motivée par l’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif, elle comprend :
1° Une présentation écrite du projet éducatif comportant les éléments essentiels de l’enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d’apprentissage de l’enfant, à savoir notamment :
a) Une description de la démarche et des méthodes pédagogiques mises en œuvre pour permettre à l’enfant d’acquérir les connaissances et les compétences dans chaque domaine de formation du socle commun de connaissances, de compétences et de culture ;
b) Les ressources et supports éducatifs utilisés ;
c) L’organisation du temps de l’enfant (rythme et durée des activités) ;
d) Le cas échéant, l’identité de tout organisme d’enseignement à distance participant aux apprentissages de l’enfant et une description de la teneur de sa contribution ;
2° Toutes pièces utiles justifiant de la disponibilité de la ou des personnes chargées d’instruire l’enfant ;
3° Une copie du diplôme du baccalauréat ou de son équivalent de la personne chargée d’instruire l’enfant. Le directeur académique des services de l’éducation nationale peut autoriser une personne pourvue d’un titre ou diplôme étranger à assurer l’instruction dans la famille, si ce titre ou diplôme étranger est comparable à un diplôme de niveau 4 du cadre national des certifications professionnelles ;
4° Une déclaration sur l’honneur de la ou des personnes chargées d’instruire l’enfant d’assurer cette instruction majoritairement en langue française.
Enfin, le nouveau régime implique désormais un recours administratif préalable devant une commission spécialement composée pour ces autorisations. Cette commission a vu son régime précisé par un décret d’application du 15 février 2022.
Le Conseil Constitutionnel a validé ce nouveau dispositif (DC, 13 août 2021, n° 2021-823) qui a donc vocation à s’appliquer.
La loi a fixé son entrée en vigueur au 1er septembre 2022, l’année scolaire en cours n’est donc pas soumise à ce régime.
Toutefois, pour les familles concernées, il y a lieu d’anticiper et de préparer un dossier solide et précis afin de se voir octroyer l’autorisation désormais nécessaire. En cas de recours, il ne faudra pas négliger de saisir la commission prévue, faute de voir son action déclarée irrecevable.
Antoine Fouret
Avocat au Barreau de Paris
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