Suspension et mise à pied à titre conservatoire : pas de sanctions, pas de garantie des droits

De prime abord, les réactions disciplinaires ne constituant pas des sanctions au sens juridique du terme semblent une « faveur » faite au mis en cause. Cependant, l’absence de sanction disciplinaire entraine l’absence de procédure disciplinaire.

Or, c’est la mise en oeuvre d’une procédure disciplinaire, formalisée ou non, qui permet d’invoquer la garantie des droits de la défense, notamment le principe du contradictoire (principe selon lequel un mis en cause doit pouvoir faire valoir ses observations avant toute sanction).

Hors du champ disciplinaire, entendu juridiquement, aucun droit de la défense n’existe. La raison est évidente : l’absence de sanction. Cependant, l’absence de sanction est souvent purement juridique et la sanction concrète existe bel et bien. 

Ainsi, un étudiant mis à pied à titre conservatoire est, de fait, sanctionné d’une exclusion temporaire (qui, prise sous ce titre, aurait permis à l’élève de faire valoir ses droits), sans avoir pu formuler les observations qu’il juge utile. Il en va de même concernant un fonctionnaire suspendu. 

C’est notamment ce qu’a rappelé récemment le Tribunal administratif de Versailles en matière de suspension d’un fonctionnaire (la décision vaut plus largement pour tous les domaines où l’administration dispose d’un pouvoir de suspension, mutation etc, que le mis en cause soit agent public ou simple usager):

« Aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général du droit n’oblige l’administration à faire précéder une mesure de suspension, mesure conservatoire adoptée dans l’intérêt du service, d’une procédure comportant les garanties de la procédure disciplinaire ni celles précédant l’adoption d’une mesure prise en considération de la personne. Par suite, M D ne peut utilement soutenir que l’établissement aurait dû procéder à son audition avant de décider de la suspendre de ses fonctions » (TA Versailles, 2 janvier 2023, n° 2005827).

La position est justifiée par le fait que la décision est prise dans l’intérêt du service (service de l’administration, école, lycée etc…) et non contre l’individu, qui n’a donc, théoriquement, pas besoin de se défendre.

Il reste que le mis en cause, qui ne l’est pas, fait l’objet d’une sanction de fait qui ne peut pas toujours être effacée par une indemnisation (ou reconstitution de carrière) ou une levé de la décision, par exemple, dans l’hypothèse d’un lycéen qui aura manqué un mois de classe sans recours possible contre une mise à pied à titre conservatoire.

 

Publié par La Norville Avocat

Cabinet d'avocat intervenant particulièrement en droit public (droit administratif, droit de l'éducation, police administrative) et en droit privé pour les problématiques liées au logement (baux, bruit, voisinage).

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