L’existence d’une instruction en famille des ainés d’une famille justifie-t-elle, en elle-même, la situation propre à l’enfant exigée par les dispositions de l’article L. 131-5 du code de l’éducation ?
Si le tribunal administratif de Strasbourg avait jugé au fond en ce sens au printemps dernier, de nombreuses décisions de justice avaient été en sens inverse.
Versailles, par une décision du 9 novembre 2023, est venu consolider la position de Strasbourg et, in fine, remettre un peu de logique à l’appréciation de ce moyen.
En effet, par essence, la situation propre d’un enfant relève, en partie du moins, de sa sphère familiale et donc, de l’existence d’une fratrie instruite en famille lorsque cela existe.
Evidemment, cela n’a de sens que lorsque l’instruction des ainés a fait l’objet de contrôles académiques positifs puisqu’à défaut, l’intérêt supérieur de l’enfant est précarisé. De même, il reste évidemment nécessaire de prévoir un projet répondant aux caractéristiques personnelles à l’enfant concerné par la demande.
Le tribunal administratif de Versailles a suivi les conclusions de son rapporteur public, venant confirmer la thèse défendue par notre requête, en jugeant que :
« Pour rejeter la demande des requérants présentée sur le fondement des dispositions du 4° de l’article L. 131-5 du code de l’éducation, la commission académique s’est fondée sur les motifs tirés de ce que d’une part, les requérants n’établissaient pas une situation propre à l’enfant motivant un projet éducatif particulier et, d’autre part, l’instruction en famille du reste de la fratrie était insuffisante à caractériser l’existence d’une situation propre à leur fils X.
6. Les requérants font toutefois valoir que leur fils a vécu difficilement les conséquences de l’état de santé de sa mère lors de la grossesse et de sa naissance, ce qui a eu des répercussions sur son rythme biologique et physiologique, se caractérisant par un important besoin de sommeil et de temps de repos. Ils ont ainsi proposé un projet éducatif adapté, destiné notamment à garantir une stabilité dans l’environnement de leur enfant ainsi qu’une souplesse d’adaptation, dont la qualité n’est pas sérieusement contestée dès lors que les trois frères et soeurs aînés de Pio bénéficient déjà de l’instruction en famille et que les contrôles pédagogiques ont été satisfaisants. Dès lors, compte tenu de ce contexte global dont il y a lieu de tenir compte, l’intérêt de ce dernier à bénéficier de la même forme d’instruction que ses trois frères et soeur l’emporte sur les avantages qu’il pourrait retirer d’une scolarisation dans un établissement d’enseignement, alors qu’au demeurant l’enfant, âgé de moins de trois ans à la date de l’acte attaqué, n’entre pas dans l’obligation de scolarisation avant le mois de décembre 2023. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que c’est à tort que la commission académique s’est fondée sur ce motif pour rejeter leur recours. » (TA Versailles, 9 novembre 2023, n° 2306367).
Il est à préciser que la semaine dernière le cabinet a eu l’occasion de soutenir plusieurs requêtes disposant d’une composante « fratrie » devant la même formation de jugement et le même rapporteur public. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, de nouvelles décisions au fond positives sur cette appréciation sont attendues pour la fin novembre.
Précisons qu’en dépit d’une croyance infondée, le Conseil d’Etat n’a jamais rejeté ce moyen mais a seulement jugé qu’une fratrie n’était pas de nature à fonder une rupture d’égalité pour les enfants s’étant vu refuser l’autorisation. Position logique en droit dès lors que les enfants en première demande et les enfants en plein droit ne sont pas dans la même situation factuelle.
Enfin, point à relever, et déjà présents dans plusieurs autres décisions, le tribunal considère que l’obligation scolaire ne s’impose qu’à compter des 3 ans de l’enfant et non à compter de « la rentrée scolaire de l’année civile où l’enfant atteint l’âge de trois ans » comme le prévoit pourtant le code de l’éducation.
Pour aller plus loin :
